"AU BOUT DES DOIGTS, LE FIL DU LIEN."




Le toucher en psychomotricité avec les adultes : un lien qui fait sens, tout en finesse


Ferme les yeux un instant et imagine…


Tu es dans une mer calme. L’eau t’enveloppe. Elle soutient ton corps, doucement. Tu ne fais rien, et pourtant tu te sens tenue, en sécurité.

Cette sensation enveloppante, rassurante, chaleureuse… c’est un peu ce que peut représenter le toucher en psychomotricité : une main tendue vers le corps, mais aussi vers la personne.


Et pourtant… quand on parle de toucher chez l’adulte, ce n’est pas toujours simple. Car derrière le mot “toucher”, il y a une histoire, une culture, des émotions… parfois de la peur, de la gêne ou de l’ambiguïté. Alors comment peut-on proposer un toucher thérapeutique, sécurisant, et surtout profondément respectueux ?


Le toucher : un besoin fondamental


Le toucher est le premier sens à se développer in utero, et c’est souvent le dernier à s’éteindre.

C’est un sens “de contact”, mais aussi de relation.

Chez l’adulte, il peut rassurer, recentrer, ancrer, réveiller, détendre… mais aussi déranger ou raviver des souvenirs enfouis.


En psychomotricité, le toucher est un outil… mais ce n’est pas un automatisme. Il ne s’impose jamais. Il s’invite avec tact, au bon moment, dans la bonne posture, avec le bon cadre.



Anecdote : Monsieur Henri et “la main sur l’épaule”


Monsieur Henri, 85 ans, vient en séance depuis quelques mois. Il vit seul, ses enfants habitent loin, et il dit souvent :


“J’ai l’impression d’être devenu transparent.”


Un jour, alors qu’il travaillait sur l’équilibre debout, il a vacillé légèrement. Par réflexe, je lui ai posé une main ferme, douce, sur l’épaule pour l’aider à retrouver son axe.

Il a retrouvé l’équilibre… mais il ne bougeait plus. Et il m’a dit, tout bas :


“Ça faisait longtemps… qu’on m’avait touché comme ça. Pas pour m’aider à m’asseoir. Juste… pour être là.”


Ce jour-là, j’ai compris que parfois, un simple contact peut valoir mille discours.




Une approche éthique : le toucher encadré, pensé, respectueux


En psychomotricité, le toucher est toujours un choix thérapeutique, jamais un geste automatique.

On se pose toujours plusieurs questions avant d’y avoir recours :

Est-ce que le patient est d’accord ?

(Un vrai oui, exprimé, ou un accord corporel clair dans la relation.)

Est-ce que ce toucher est utile dans le cadre de l’objectif thérapeutique ?

(Posture, ancrage, schéma corporel, détente…)

Est-ce que ce toucher est clair, contenu, sécurisé ?

(Pas d’ambiguïté, un cadre verbal posé, un positionnement professionnel.)


Le toucher ne doit jamais envahir. Il s’ajuste. Il respecte l’histoire du corps en face, ses blessures, ses frontières. On le propose, jamais on ne l’impose.



Le toucher comme outil de présence


Le toucher peut jouer plusieurs rôles en psychomotricité avec les adultes :


1. Apaiser le corps


Un toucher lent, enveloppant, calme le système nerveux. Il réduit le stress, diminue les tensions musculaires, régule la respiration. C’est particulièrement aidant chez les personnes anxieuses ou douloureuses chroniques.


2. Redonner une présence au corps


Chez les adultes qui se “dissocient”, qui se sentent “ailleurs” ou qui ne sentent plus certaines zones (ex : après un traumatisme ou une immobilisation prolongée), le toucher ravive la carte corporelle.

C’est un “coucou” bienveillant aux zones oubliées.


3. Renforcer l’ancrage et la posture


En posant les mains sur les pieds, le dos, les épaules, on aide la personne à sentir son axe, son poids, sa verticalité. Un vrai coup de pouce à la confiance en soi corporelle !


4. Créer un lien non-verbal sécurisant


Le toucher peut parfois dire ce que les mots ne peuvent pas dire. Il transmet une présence, une attention, une reconnaissance de la personne. C’est un soin relationnel à part entière.



Les 5 conditions d’un toucher thérapeutique sécurisant


1. Le consentement clair et libre


Un toucher ne s’improvise pas, il se propose.

La personne doit pouvoir dire “oui” ou “non” librement, sans pression. Le consentement peut être verbal ou corporel, mais il est toujours respecté. Et il peut changer d’une séance à l’autre !


2. Une intention thérapeutique précise


Toucher pour quoi ? Pour qui ? À quel moment ?

Le toucher n’est jamais gratuit : il répond à un objectif thérapeutique (ancrage, détente, schéma corporel…). Il est toujours au service de la personne, jamais de l’intervenant.


3. Un cadre clair et verbalisé


Pas de zone floue : tout est expliqué, posé, transparent.

On annonce ce qu’on va faire, on pose les limites (zones concernées, durée, posture), on reste professionnel. Un cadre clair rassure et sécurise.


4. Une posture juste et respectueuse


Ni envahissant, ni distant : juste, présent, bienveillant.

Le thérapeute reste à l’écoute, ajuste son geste, s’adapte au vécu corporel de l’autre. On respecte l’intimité, les réactions émotionnelles, les silences. Le corps est un territoire sacré.


5. Une possibilité de réajustement permanent


On peut dire stop, on peut dire encore, on peut changer d’avis.

Le toucher thérapeutique est flexible. Ce qui est juste aujourd’hui ne l’est pas forcément demain. On écoute, on observe, on ajuste.


Le cadre, toujours le cadre !

En résumé, pour que le toucher soit thérapeutique, il faut un cadre clair comme de l’eau de roche :

On explique toujours le pourquoi du contact.

On demande l’accord, verbal ou corporel.

On délimite les zones (toujours dans le respect de l’intimité).

On peut toujours dire non (et c’est pleinement entendu).

On ajuste : un jour oui, un jour non. Ce n’est jamais figé.



En conclusion : le toucher, un langage du soin


Le toucher en psychomotricité, c’est un art subtil : entre science, éthique, écoute et humanité. C’est un dialogue silencieux, qui respecte les silences, les histoires, les limites.

C’est une main qui ne force pas, mais qui propose. Une main qui reconnaît le corps comme territoire intime et vivant.


Dans un monde où les contacts se font rares ou fonctionnels, offrir un toucher juste peut devenir un acte profondément réparateur. Parce que parfois, une main posée avec intention vaut plus que mille paroles.



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